[Livre] Le cargo assassiné

En cette année 2014, l’ancien capitaine de remorqueur Jean Bulot a choisi de mélanger les genres et les acquis de l’expérience, avec son tout dernier roman. Où l’on retrouve tour à tour le vécu du marin, et la plume de l’écrivain. Une chronique d’Aline Mortamet

C’est une histoire apparemment et tristement banale. Celle d’un capitaine au long cours, qui prend les commandes d’un cargo battant pavillon de complaisance. Il espère arriver en Angola, mais autant vous le dire tout de suite, il n’y parviendra jamais. Car le monde de la mer a aussi, parfois, des allures d’univers impitoyable.Parfum d’embrouilles, ombre de doutes. Le tout sur fond de décors familiers aux gens de mer, et avec des héros qui nous ressemblent tous quelque part.

Déjà, la navigation est bercée par des coups de gîte et des paquets de mer. Et l’on se retrouve d’un coup devant Ouessant, “toute frangée de l’écume et des embruns de la grosse houle de l’Atlantique qui vient se briser sur les noirs rochers et mourir au pied des falaises abruptes et déchiquetées, tandis qu’un vent chargé de sel l’enveloppe d’un léger voile à travers lequel éclatent de blancheur le phare de Créac’h et les maisons du bourg groupées autour du clocher de l’église“. Et Jean Bulot de glisser ici ou là quelques souvenirs personnels de l’époque Amoco Cadiz (1978) et Tanio(1980)

Et puis, il y a ces personnages, de fiction mais si proches que l’on croit les avoir croisés hier sur un quai de criée ou une jetée de port. Ces hommes, issus de familles de marins depuis des générations, qui seront tour à tour mousses novices matelots puis lieutenant et patron ou commandant.

Le héros du Cargo assassiné porte un patronyme plutôt ordinaire, Yves Kermarec, mais son destin le sera moins. Capitaine en fin de parcours, il est forcé d’accepter un dernier embarquement à bord du Karyatis pour toucher sa retraite. A travers son histoire, Jean Bulot dépeint la fin de l’âge d’or de la Marine marchande, victime d’une concurrence économique de plus en plus âpre. Un monde où des armateurs sans scrupule ne sont plus motivés que par l’appât du gain. Le XXIème siècle est passé par là.

Editions Equateurs
18 euros

Source: France 3 Bretagne