[TMV La Rochelle] Port de commerce : les aiguilleurs des mers

TMV vous emmène dans l’enceinte ultra sécurisée du Port de commerce. Indispensables, les “pilotes” y guident les navires venus du monde entier. Embarquement immédiat.

 

 

 

 

 
On ne rentre pas au Grand Port maritime de La Rochelle comme dans un moulin. Les habitants de la Pallice vous le diront. Eux, qui par le passé, aimaient se balader ou pêcher sur le bord des quais dans leur quartier, ont vu peu à peu celui-ci se refermer sur lui-même derrière les grilles de son périmètre terrestre. Sécurité oblige. Depuis les attentats de 2001, les Etats-Unis ont exigé des ports avec lesquels ils commerçent que ceux-ci renforcent la sécurité autour de leur site. Condition sine qua non pour continuer les affaires avec le pays de l’Oncle Sam. Progressivement, le Grand Port maritime de La Rochelle s’est soumis à ces règles sécuritaires internationales. Depuis 2010, il est impossible pour le public de s’y rendre sans accréditation ni autorisation. Toute personne présente sur le site doit pouvoir justifier à tout moment de sa présence et de son identité. Comme un aéroport, un port est un site stratégique. Le trafic y est permanent 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Car avant d’arriver sur nos marchés et dans nos magasins, des tonnes de marchandises débarquent et embarquent dans le port chaque jour.

Parmi les garants du bon acheminement des navires et de leurs équipages : les pilotes maritimes. Leur rôle est capital. Sans pilote aucun bateau n’arrive à bon port et n’en sort en toute sécurité. Aiguilleurs de la mer, ce sont eux qui permettent aux bateaux de circuler dans l’enceinte d’un Port.
Lundi matin, 11h 30. La station de pilotage maritime de La Rochelle-Charente connaît une légère accalmie. L’arrivée du prochain bateau est annoncée dans un peu plus d’une heure. La charge de la manoeuvre revient à Stéphane Vue, l’un des huit pilotes maritimes. Avant son départ, il a pris soin d’effectuer une « revue de contrat » sur l’ordinateur. « Avant d’embarquer, on vérifie les caractéristiques du bateau. On peut voir à quoi il ressemble grâce à une photo. On prend note des remarques indiquées par le pilote précédent ». Voilà pour les quelques indications sommaires dont dispose le pilote avant de partir sur le terrain. « C’est un métier d’expérience, souligne Thierry Warion, Président des pilotes de la station de pilotage maritime de La Rochelle-Charente. Avant de devenir pilote, il faut justifier de dix ans minimum d’expérience maritime. Car un pilote doit être capable d’être réactif et de prendre des décisions rapidement. Il doit pouvoir s’adapter à tous types de bateaux pour faire des manoeuvres ». Parce que le temps, c’est de l’argent, le pilote doit aussi répondre à une logique d’efficacité du trafic économique des ports de commerce. Ce rôle nécessite d’être disponible jour et nuit tout long de l’année.
Chaque année, 2500 opérations de pilotage sont réalisées par la station rochelaise. Aujourd’hui, Stéphane Vue commence sa journée avec une intervention sur le BBC Canada, un immense cargo.

Après avoir enfilé son gilet de sauvetage, il est conduit à quai en voiture par Philippe Nedelec, un des sept patrons de vedettes -appelées aussi pilotines – de la station de pilotage. Conçues pour naviguer par tous les temps, les vedettes permettent au pilote de rejoindre le navire au large et de revenir à terre lorsqu’il a guidé le bateau en partance.
Pour l’heure, notre pilote monte seulement à bord du BBC Canada. Il a pu embarquer au moyen d’une échelle de pilote disposée le long de la coque du navire. Une opération extrêmement délicate notamment en cas de mauvaises conditions météorologiques. Une fois cette étape passée, le premier contact avec l’équipage se fait via le capitaine du bateau. Celui du BBC Canada est russe. En quelques minutes, les deux hommes échangent en anglais sur les caractéristiques du bateau : tirant d’eau, type d’hélice, gouvernail… Puis, le pilote évoque la marche à suivre pour la manoeuvre. « Mon rôle est de conseiller. Le capitaine du bateau reste seul maître à bord. Il peut refuser de m’écouter. Mais entre les capitaines et les pilotes, il existe une confiance mutuelle qui s’installe dès la prise de contact car ils connaissent notre expertise ». Et pour cause, chaque pilote maritime affectée à une station de pilo-
tage connaît de fond en comble, la zone maritime qu’il couvre. Durant cinq ans, après avoir réussi son concours, le pilote se forme au sein de sa station avant d’être reconnu apte à la conduite des manoeuvres.

Les pilotes de la station de pilotage rochelaise travaillent pour les port de commerce de La Rochelle, La Rochelle-Ville et Rochefort-Tonnay-Charente. Chaque port a ses propres spécificités (courants, environnement naturel, vents dominants…). Un pilote ne peut donc exercer son métier que dans la station où il a été formé. Frustrant ? « Non, répond Stéphane Vue. Les pilotes choisissent le lieu où ils souhaitent travailler. Donc il n’y a pas de frustration. On a tous l’expérience de la navigation, on a déjà voyagé. On est content de se poser enfin quelque part et de profiter de sa famille.»

Son intervention va commencer. Depuis la passerelle du navire, tout en respectant les données transmises par la capitainerie, le pilote avec le capitaine, donne des instructions à l’équipage et via une radio VHF, aux remorqueurs et lamaneurs. Les premiers, aident le bateau à tourner, et à s’approcher du quai. Les seconds assurent les opérations d’amarrage et de désamarrage du navire. « Même sur le même bateau on ne fait jamais deux fois exactement la même manœuvre car les conditions ne sont jamais les mêmes » assure le pilote en action. Manoeuvre réussie. La mission de Stéhane Vue touche à sa fin. Elle aura duré une heure. Le bateau peut reprendre la route sans lui. Via la radio, il donne le signal au patron de la vedette de venir le récupérer. C’est à nouveau Philippe Nedelec, le même qui l’a accompagné une heure plus tôt. « Pendant que le pilote fait sa manœuvre, je reste toujours en contact avec lui. Il m’informe de l’avancée de son travail. Je sais donc à peu près quand il a fini et aura besoin de moi». Le patron de vedette rapproche la pilotine au plus près du cargo pour permettre au pilote de descendre de l’échelle du navire jusqu’à lui, sans risque. Comme à chaque fois, l’opération est périlleuse. Mais aujourd’hui, les conditions climatiques ne présentent aucundanger. Stéphane Vue, regagne la vedette puis la terre ferme sans problème. Retour à la station de pilotage. La mission n’est pas encore terminée. Place à la partie administrative. Le pilote se dirige tout suite vers l’ordinateur pour y entrer à son tour, ses observations sur le BBC Canada et la facturation destinée au client, avant de se préparer à repartir à tout moment, pour une nouvelle intervention.

Photos Thierry Rambaud et TMV

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